Utagawa Hiroshige (1797-1858) est l’un des plus grands maîtres de l’estampe japonaise du XIXe siècle. Alors que la plupart de ses oeuvres sont consacrées à la nature et au paysage, les «Restaurants réputés d’Edo», oeuvre de commande destinée à vanter les charmes de la capitale, offrent une place importante à l’architecture urbaine, subtil mélange de quartiers densément habités, de temples installés dans des espaces verts, de cours d’eau et de lieux de plaisir, foyers importants de la vie culturelle de la bourgeoisie, où la gastronomie et les arts se rejoignent.

Chaque planche, signée (Hiroshige ga) et munie du sceau de la censure, porte des cartouches où sont inscrits le nom de la série, celui du restaurant, ainsi qu’un poème de 17 syllabes (kyôku) évoquant le lieu, son histoire, ses mérites ou ses spécialités. Dans le cas présent, il s’agit du restaurant Kawashi à Rôgoku yanagibashi, autrefois honoré de la visite du «prince élégant Narihira». Le cadrage de l’image est d’une rare modernité, offrant une large ouverture de l’espace intérieur du restaurant où des geisha servent les calligraphes à l’oeuvre, vers celui, pratiquement illimité, des rives de la Sumida au-delà desquelles s’aperçoivent d’autres quartiers habités.

L’estampe nishiki-e, «estampe de brocart», est obtenue grâce au travail conjugué de trois artistes : le peintre, le graveur et l’imprimeur qui la produira à l’aide d’autant de planches qu’il y a de couleurs différentes à reproduire. On peut voir ici que l’artiste a déployé de remarquables talents de coloriste. Le bleu utilisé à cette époque au Japon est le bleu de Prusse importé.

Grâce au don de Jeanne Jonas, le Musée royal de Mariemont est aujourd’hui le seul, en dehors du Japon, à posséder la série presque complète (31 estampes sur un total de 34 pour la série complète) des «Restaurants réputés d’Edo».