L’empereur Kangxi replace la manufacture de Jingdezhen sous un strict contrôle impérial. La production atteint alors des sommets de perfection technique, tant par la qualité de la pâte que par le contrôle des émaux. Parallèlement, le fossé se creuse entre matière et décor, la surface blanche devenant généralement le support d’une image peinte. Les décorateurs cherchent maintenant l’inspiration dans le domaine de l’estampe. Les scènes figurant sur ce vase sont proches d’illustrations du célèbre «Roman du Pavillon de l’Ouest» (Xi xiang ji). Sur une face, on aperçoit le départ du lettré Chang Chünrui à cheval et, sur l’autre, une scène nocturne au cours de laquelle la belle Yingying, accompagnée de sa servante, vient en secret l’écouter jouer du qin, la cithare à cinq cordes des lettrés.

Le style de la polychromie, fait d’émaux transparents dans différentes nuances de vert, associées au rouge, au jaune, au brun, au noir et au gris-bleu, est appelé yingcai «couleurs éclatantes» en Chine, où il fut à la mode entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, l’Europe, qui importait des pièces de ce genre depuis le règne de Louis XIV, contemporain de Kangxi, les nomma «famille verte».

Très recherchées pour l’aménagement des châteaux dont elles garnissaient notamment les cheminées, elles comptent aussi parmi les tout premiers achats de Raoul Warocqué en matière de porcelaine chinoise. C’est à Paris, en 1893, qu’il acquit les premières «famille verte» qui composent une part importante de la collection qu’il rassembla.