Dans la culture de Dông So’n, qui se développe dans le nord du Vietnam depuis environ 800 avant J.-C., l’art du bronze occupe une place capitale. Les artisans bronziers fournissaient à la classe dirigeante des armes, des parures, des ustensiles rituels et des instruments de musique. Les tambours en bronze, dont l’aire de répartition s’étend du sud-ouest de la Chine à l’Indonésie, couvrant ainsi toute l’Asie du Sud-Est continentale et insulaire, comptent parmi les objets les plus représentatifs de cette culture.

Les louches et les cuillers ont, semble-t-il, joué un rôle important dans les rituels. Quelques cuillers de ce type ont été mises au jour dans des fouilles des provinces de Thanh Hoa et Nghê An et c’est probablement de ces régions que provient l’exemplaire conservé à Mariemont. Cependant, ses dimensions exceptionnelles et la qualité de son décor en font une oeuvre tout à fait remarquable. Le manche est rehaussé sur le plat d’un décor géométrique symétrique de courbes et contre-courbes caractéristique, que l’on retrouve aussi sur les céramiques de toute la région. Son extrémité adopte la forme d’une tête de buffle aux longues cornes effilées. L’animal porte des grelots aux oreilles et dans les naseaux.

Le buffle est bien présent dans l’imagerie des cultures protohistoriques de l’Asie des moussons, où il jouissait visiblement d’un grand prestige en tant que symbole de fertilité et de prospérité. Intermédiaire entre le monde des hommes et celui des esprits, il pouvait être rituellement sacrifié. Certaines minorités ethniques des Hauts-Plateaux vietnamiens ont conservé cette tradition jusqu’à notre époque et le sacrifice du buffle y constitue le moment le plus intense de la vie sociale.