Cette stèle funéraire grecque datant du IVe siècle avant J.-C., représente une femme assise sur une chaise à dossier incurvé, tenant de la main droite un vase à parfum, et de la main gauche un pan du voile qui lui couvre la tête. Le geste qu’elle fait de la main gauche est fréquent dans ce contexte: il évoque le deuil, la tristesse, et isole le visage de la femme dans un jeu de courbes formé par le voile, la tête penchée et la ligne du bras. Comme souvent, il est très difficile de dire si la personne représentée est la défunte ou une parente en deuil.

Le flacon à parfum qu’elle tient évoque le monde des femmes, les parures et la séduction féminine; sur d’autres reliefs funéraires, on voit une servante debout tenant un coffret à bijoux ouvert devant la défunte.

À l’origine, cette stèle devait être beaucoup plus grande, et comporter au moins un autre personnage, membre de la famille ou servante. Sur les stèles funéraires grecques, les figures sont très rarement seules. Cinq ou six siècles après sa première utilisation dans une nécropole de l’époque classique, cette stèle fut découpée selon la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Quelqu’un qui en appréciait le message et la qualité, a en effet décidé de la récupérer – toujours dans un usage funéraire. La stèle a dès lors été retaillée et une inscription ajoutée devant le personnage assis: «Socratè, âme belle et bonne, salut ». La formulation de la salutation finale (chairè, salut) et la forme des lettres permettent de dater l’écriture du IIe ou du IIIe siècle après J.-C. La feuille de lierre qui termine le texte évoque le salut de l’âme, que ce soit dans un contexte païen ou chrétien. Ce symbole n’est pas utilisé avant le Ier siècle après J.-C.

Ce monument, qui exprime si bien le deuil et la tristesse, a donc connu une double vie – signalant la dernière demeure de deux personnes vivant à des siècles de distance.

Même si dans d’autres régions, notamment en Asie mineure, et à d’autres époques de l’Antiquité, on a construit d’imposants monuments architecturaux pour commémorer les défunts, les stèles sculptées, attestées surtout aux Ve et IVe siècles, expriment remarquablement la douleur de l’absence et le déchirement de la famille au moment de la mort d’un de ses membres.