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Les Warocqué

Mariemont à l'heure de la révolution industrielle

Devenu «bien national», le domaine de Mariemont est livré à la convoitise des hommes d'affaires, attirés par la richesse du gisement houiller qu'il recèle. La concession est d'abord accordée en avril 1795 à deux anciens officiers français, Desfourneaux et Duplan. Mais, deux ans plus tard, devant l'incompétence, la fragilité financière et la cupidité des concessionnaires, le Directoire prononce leur déchéance. Finalement, au terme de diverses péripéties, c'est un marchand de charbon montois, Jean-Baptiste Hardempont, qui obtient en 1798 le droit d'exploiter la houille dans les limites de l'ancien parc royal. La Société minière du parc de Mariemont, constituée officiellement le 10 juillet 1802, comprend cinq actionnaires, dont Hardempont et deux autres Montois, les frères Isidore et Nicolas Warocqué. Nommé administrateur pour un an, ce dernier le restera jusqu'à sa mort en 1838. Avec lui, la bourgeoisie industrielle prend le relais des gouverneurs de l'Ancien Régime. La dynastie qu'il fonde comptera quatre générations et six représentants : outre lui-même, son fils Abel, ses petits-fils Léon et Arthur et ses arrière-petits-fils Georges et Raoul.

 

Nicolas Warocqué (1773-1838)

Nicolas Warocqué est un représentant typique de ces hommes nouveaux, issus de la Révolution française. Né dans une famille de la petite bourgeoisie montoise, il s'engage à vingt ans, par idéal, dans les armées de la République, où il gagne ses galons de capitaine. Victime de la réaction thermidorienne à la suite de la chute de Robespierre, il rentre au pays en 1796, au moment où les autorités départementales commencent à vendre les «biens nationaux» confisqués aux communautés religieuses et aux nobles émigrés. Leur commerce lui permet d'amasser une jolie fortune, dont il investira une partie dans les charbonnages de Mariemont. Sous sa direction énergique et audacieuse, ceux-ci ne cessent de prospérer. Les innovations ne lui font pas peur : des documents inédits permettent de supposer qu'il aurait installé, dès 1821, dans la forêt de Mariemont ce qui pourrait être le premier chemin de fer industriel de la future Belgique. Il tient aussi à affirmer sa promotion sociale et devient maire de Morlanwelz en 1805. Resté bourgmestre sous le Régime hollandais, il sera destitué par le Gouvernement provisoire issu de la Révolution belge de 1830 à cause de ses sympathies orangistes.

Lors de son arrivée à Morlanwelz, Nicolas Warocqué s'installe dans l'ancienne surintendance du domaine royal, dont il devient propriétaire en 1813. Lorsque, en 1829, la société achète la forêt de Mariemont, il en acquiert un quinzième à titre personnel en vue de s’y faire aménager un château et un parc. Par cette appropriation de l’espace, il renoue avec la tradition de la noblesse d’Ancien Régime étalant sa richesse et son pouvoir. C'est le départ d'un nouveau domaine. Peu après 1830, l'industriel y fait construire un château en un point culminant du parc, à une centaine de mètres de sa résidence. Il en confie les plans à Tilman-François Suys (1783-1864), architecte officiel du roi Léopold Ier après avoir été celui du roi Guillaume Ier des Pays-Bas. Le château, de style néoclassique,  sera orné de statues de Guillaume Geefs. Il s'élèvera au milieu d'un jardin anglais d’une superficie de 27 hectares, dessiné en 1832 par Charles-Henri Petersen (1792-1859), l’architecte paysagiste en vogue à l’époque.

 

Abel Warocqué (1805-1864)

Le premier occupant de ce nouveau château sera Abel Warocqué, qui en termine l'aménagement et le décore de tableaux et de sculptures de qualité. Il agrandit le parc et y construit un jardin d'hiver monumental, où poussent orchidées, raisins et ananas. Hôte distingué, il aime recevoir. Le roi Léopold Ier lui fera l'honneur d'une visite de deux jours en 1839 à l’occasion de l’inauguration des embranchements au canal de Charleroi à Bruxelles. Aux yeux des observateurs qui relatent l’événement, Abel s’impose comme « la personnalité la plus importante de la région ». C’est le début de relations suivies entre la famille royale et les Warocqué. Léopold Ier reviendra en 1856. Le duc de Brabant, futur Léopold II, et son épouse Marie-Henriette avaient séjourné à Mariemont en 1853, année de leur mariage. Son frère cadet, Philippe comte de Flandre, y viendra chaque année pour la chasse de 1859 au décès d’Abel. Adjoint du vivant de son père à la direction des charbonnages de Mariemont-Bascoup, Abel poursuit la même politique. Il se distingue en inventant la «warocquère», ascenseur à paliers utilisé dans les puits de mine. Bourgmestre de Morlanwelz depuis les élections de 1836, il transforme sa commune, dont la population va doubler. Pour le gouverneur du Hainaut, « il a fait de ce village une ville ». Promoteur immobilier, il urbanise le hameau de La Louvière. La future capitale du bassin du Centre a d'ailleurs failli s'appeler Abelville !

 

Arthur Warocqué (1835-1880)

De santé délicate, le fils aîné d'Abel, Léon, ne survit que quatre ans à son père. C'est au cadet, Arthur, qu'il appartiendra de maintenir la présence familiale à la tête des charbonnages et de la commune. Une conjoncture économique favorable, un mariage avantageux, l'appoint de deux collaborateurs de qualité, Lucien Guinotte et Julien Weiler, lui permettent tout à la fois de briller dans le monde, de pratiquer une politique sociale d'avant-garde et de procéder à des investissements productifs. Les charbonnages de Mariemont-Bascoup s’imposent bientôt comme des modèles d’innovations techniques et sociales. Les premiers organismes paritaires  du travail de Belgique y voient le jour. Ils déboucheront sur les « conseils de conciliation et d’arbitrage » imités dans l’Europe entière. Leur création s’explique autant par la philanthropie de ses promoteurs que par la crainte du socialisme naissant. Sur le plan technologique, on s’inspire de l’exemple anglais en installant les premiers traînage mécanique et triage central du continent européen. De tempérament artiste, Arthur Warocqué collectionne des tableaux de peintres contemporains, dont Alfred Stevens. Lui-même dessine et grave, non sans talent, des lithographies. Il s'attache aussi à embellir et agrandir le domaine. Il y organise des festivités qui renouent avec les fastes de l'Ancien Régime. Ses qualités d’amphitryon généreux et son envergure dans le monde des affaires expliquent sa nomination à la tête de la Commission belge de l’exposition internationale de Paris en 1876. Élu député libéral en 1864, ce catholique pratiquant est confronté au douloureux problème de la « loi de malheur » votée en 1873 au détriment de l’enseignement confessionnel. Fidèle au crédo libéral de la séparation de l’Église et de l’État, il l’appliquera loyalement et soutiendra l’enseignement communal.

 

Paul LAUTERS, Le chateau de Mariemont, 1870

Raoul Warocqué (1870-1917)

Dans la famille Warocqué, le destin ne favorise décidément guère les aînés. Le plus âgé des deux fils d'Arthur, Georges, interrompt une carrière militaire pour prendre la succession de son père dans les affaires et en politique. Mais, joueur et libertin, il ébranle bientôt le patrimoine familial au point d'être placé sous conseil judiciaire en 1897. L'année suivante, grâce aux relations de son frère Raoul, il part en mission en Chine pour le compte de la Société belge de recherches minières. Il mourra à Pékin d'une broncho-pneumonie. Raoul Warocqué est à la fois le dernier représentant de la dynastie et le plus éminent. Son enfance est douloureusement marquée par la disparition précoce d'un père aimé, que ne compensera pas l'affection distante d'une mère souvent absente. Ses études s'en ressentent. Élève au Lycée Louis le Grand à Paris, il échoue au baccalauréat. Étudiant en droit à l'université de Bruxelles, il sèche les cours, mène joyeuse vie et fréquente assidûment les antiquaires.  Les frasques de Georges l'obligent à reprendre en main la gestion de la fortune familiale et à quitter l’université dans sa dernière année de droit. Il consacrera le reste de sa courte vie - il meurt à 47 ans - aux affaires, à la politique et à sa passion de collectionneur.

 

LE MUSÉE ROYAL DE MARIEMONT 

Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 17h (horaire octobre - mars).

Ouvert les jours fériés, y compris les lundis fériés.

Accès gratuit aux collections permanentes !

Accessible sans réservation. Consultez nos tarifs. La réservation en ligne est momentanément arrêtée pour cause de problèmes techniques.

Renseignements par téléphone au + 32 (0)64 273 741 ou par email via accueil@musee-mariemont.be

 

 LA TERRASSE DE MARIEMONT 

La Brasserie est ouverte du mardi au dimanche de 10h à 17h.

Réservation souhaitée au +32 (0)64 27 37 63

 

LA BIBLIOTHÈQUE 

La Bibliothèque est ouverte du mardi au jeudi de 10h à 12h30 et de 13h à 17h.

Accessible uniquement sur rendez-vous par email à bibliotheque(at)musee-mariemont.be 

 

LE DOMAINE 

Ouvert tous les jours de 8h à 18h de novembre à mars.